La protection du paysage et de la culture matérielle des vallées du Parc est l’une des finalités institutionnelles de l’espace protégé. Se pencher sur les typologies traditionnelles, les anciens savoirs, ou sauvegarder l’identité des communautés : autant d’actions essentielles pour bien gérer les transformations du patrimoine bâti et protéger/valoriser le patrimoine historique.
Toute une série de biens et de témoignages diffus qui, dans le Parc, connotent les vallées du Canavese et les vallées valdôtaines contribuent à la perception du paysage. Deux ouvrages ont récemment été réalisés pour permettre d’en approfondir la connaissance, en vue de mettre un terme à une situation fréquente d’abandon et de décontextualisation, due à la dépréciation du réseau des biens paysagers diffus.
« Paysage » désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l'action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations.
Convention européenne du paysage, Florence, 20 octobre 2000 (Chapitre 1, art. 1 lettre a)
« Paysage » désigne une partie homogène de territoire dont les caractères sont le résultat de la nature, de l’histoire humaine ou de leurs interactions réciproques.
Code des biens culturels et du paysage, janvier 2004, (Art. 131, alinéa 1)
Manuel pour la réhabilitation et la valorisation des patrimoines naturels ruraux du GAL Valli del Canavese
Le Manuel pour la réhabilitation et la valorisation des patrimoines naturels ruraux du GAL Valli del Canavese (Manuale per il recupero e la valorizzazione dei patrimoni ambientali rurali del GAL Valli del Canavese) découle d’une "Étude visant à l’identification de biens et patrimoines naturels particulièrement attractifs et caractérisant un territoire spécifique" (Studio finalizzato all’individuazione dei beni e patrimoni naturali di particolare attrattività e caratterizzanti uno specifico territorio), rédigée par le groupe de travail constitué par Elio Tompetrini et Patrizia Vaschetto, architectes du Service technique et de planification du Parc, et par Claudio Cola, géomètre, et Franco Ferrero, professionnels libéraux. Ce travail a été effectué en application du Plan de développement local du GAL Valli del Canavese 2007/2013, mesure 323, Action 3, opération 2.a (Études visant à l’identification des éléments typiques du paysage rural).
Le manuel se compose de différentes sections : des Lignes directrices, des Fiches des interventions admissibles pour chacune des typologies de biens identifiées et analysées, et une riche Galerie de photos, résultant des études cognitives effectuées sur les biens en question.
Le territoire du Gal (Groupe d’action locale) Valli del Canavese présente un patrimoine diffus d’éléments d’architecture mineure – parcours piétonniers, clôtures, murets de pierres sèches, biefs et aménagements agricoles, fontaines et abreuvoirs – représentatifs de l’histoire locale ; ce sont là des témoignages de modes de vie et de travail dont la mémoire historique est encore conservée.
Si, souvent, ces réalisations ont perdu leur rôle d’origine et sont en état de dégradation, il arrive aussi qu’elles n’aient plus leur place dans le contexte ou dans l’espace public qui justifiait leur fonction, ou qu’elles subissent des modifications au niveau des matériaux et des techniques de construction.
Parfois, encore, la sensibilité des communes, des communautés de communes de montagne (les comunità montane) et des associations locales a permis la mise en place d’interventions de réhabilitation et de sauvegarde.
Sur la base des analyses, des études et des données collectées au travers de questionnaires remplis par les communes, les éléments typiques caractérisant le paysage rural ont pu être identifiés. Il s’agit d’éléments qui, largement diffus sur le territoire et caractérisés par l’utilisation des mêmes matériaux de construction (pierre et bois), se différencient toutefois quant à leurs formes et aux solutions de construction adoptées.
Les éléments analysés, qui caractérisent l’établissement humain proprement dit, concourent également à la définition du contexte environnemental, ainsi qu’à la lisibilité des relations qui liaient et lient encore chacun de ces biens à son territoire :
Bien que considérés comme des biens « mineurs », ils n’en contribuent pas moins à définir des relations visuelles, ils conservent des informations sur les modes de vie et de travail d’un passé encore proche et participent de l’harmonie du paysage. Parfois, ces éléments présentent des conditions de dégradation, faute d’entretien ou parce que phagocytés à l’intérieur de contextes plus dépersonnalisés et incohérents. Constituant de ce fait des impacts diffus, ils contribuent à réduire la qualité paysagère globale. Exemples cités : les lignes aériennes sur câble, avec leurs pylônes, et les équipements de téléphonie dans des zones présentant une valeur paysagère élevée, ainsi que dans des villes ou villages historiques.
Le souci et la possibilité de mettre en place des initiatives de récupération vont au-delà de la valorisation du bien individuel et constituent un point de départ pour la valorisation du contexte tout entier.
Le tourisme, notamment de type culturel, tire de précieux avantages de la revalorisation du contexte paysager, si celle-ci s’appuie sur des interventions ponctuelles d’entretien et de réhabilitation, menées de manière avisée et en vue de susciter des retombées positives de plus grande haleine.
Lorsque l’on intervient, une excellente démarche conceptuelle consiste à penser à chaque élément ou objet, même simple et circonscrit, en considérant les retombées qu’il peut avoir sur la configuration globale du paysage et en se fixant, par une approche professionnelle responsable, de rétablir l’harmonie des espaces dégradés afin qu’ils redeviennent agréables à vivre et à visiter.
Si l’on examine l’élément sans le séparer du contexte dans lequel il se situe, il est plus simple de trouver la solution appropriée et adaptée à l’ensemble. Les règles principales ? S’inspirer des méthodes de construction qui se sont consolidées au fil du temps et respecter la situation de fait dans ses caractéristiques fondamentales. Telle est la stratégie, désormais diffusément pratiquée dans d’autres contextes, pour que le paysage soit non pas un objet de contemplation esthétique et passive, mais l’un des principaux moteurs de requalification économique du territoire.
Concernant la teneur des Lignes directrices du Manuel, nous y trouvons une série d’indications concernant : les bonnes pratiques pour le territoire, l’analyse des causes de dégradation, l’importance de l’entretien, l’importance de réhabiliter les éléments pour conserver la culture des « savoirs ».
Les typologies étudiées sont les suivantes :
• réseau routier piétonnier historique, analysé dans ses différentes parties :
- fond routier ;
- murets en pierre ;
- consolidation des talus ;
- ouvrages de maîtrise des eaux météoriques ;
- ouvrages de franchissement de ruisseaux ;
- éléments présentant un intérêt particulier dans le cadre des parcours ;
• éléments ponctuels caractérisant le paysage rural historique :
- sols en terrasses historiques ;
- clôtures des propriétés, des potagers et des jardins ;
- pavages en pierre de cours, rues ou places ;
- fontaines et abreuvoirs ;
- canaux, biefs et ouvrages de prise ;
• éléments du paysage agricole, qui influencent le maintien de la biodiversité :
- haies ;
- cumulus formés par dérochement ;
- végétation ripariale ;
- arbres ou groupes d’arbres isolés ;
- broussailles et fourrés.
À ces biens du paysage rural ont été ajoutés les éléments accessoires, constitués d’ouvrages routiers de soutien, barrières de sécurité, aménagements de rives, qui influent sur la perception du paysage en tant qu’ensemble de composants fortement liés entre eux.
Pour chaque élément, il a été préparé des fiches opérationnelles d’intervention comprenant :
• la description de l’élément et sa présence dans la zone intéressée ;
• les particularités caractérisant l’élément au vu des qualités du contexte paysager ;
• les typologies d’intervention possibles (maintien-entretien-restauration-réfection) ;
• les orientations opérationnelles ;
• exemples existants d’interventions conformes ;
• exemples existants d’interventions non conformes.
Les méthodologies de réhabilitation et de valorisation des biens sélectionnés ont été identifiées de manière à fournir des indications réalisables dans le cadre d’une utilisation normale de matériaux et de techniques d’intervention. L’emploi de techniques de génie écologique et de modalités d’intervention cohérentes avec les valeurs écologiques et environnementales de la zone en question font l’objet d’une attention particulière.
Identification et relevé des biens mineurs du paysage rural dans les vallées valdôtaines du parc national Grand Paradis
Entre octobre 2015 et le printemps 2016, une étude a été menée dans le territoire valdôtain du Parc ; le rapport, intitulé Identification et relevé des biens mineurs du paysage rural dans les vallées valdôtaines du parc national du Grand Paradis (Individuazione e rilevamento dei beni minori del paesaggio rurale nelle valli valdostane del Parco Nazionale Gran Paradiso), a été rédigé par l’architecte paysager Rayna Dimitrova Harizanova, sous la supervision de l’architecte Elio Tompetrini du Parc.
Cette étude, consacrée, donc, à l’identification et au relevé des biens mineurs du paysage rural dans les vallées valdôtaines du Parc, s’est déroulée dans le contexte du projet M.I.C.Ro P.A.R.Co - Metodo d’Indagine per la Conservazione e il Recupero del Patrimonio Ambientale, Rurale e Costruito (Méthode d’investigation pour la conservation et la réhabilitation du patrimoine environnemental, rural et bâti), un projet d’expérience de travail semestriel réalisé au siège d’Aoste du Parc national du Grand Paradis.
M.I.C.Ro P.A.R.Co a pour point de départ le Manuel pour la réhabilitation et la valorisation des patrimoines naturels ruraux du GAL Valli del Canavese.
Le travail se propose d’étendre l’enquête effectuée au versant valdôtain du parc, qui comprend trois vallées – Vallée de Cogne, Valsavarenche et Vallée de Rhemes – et leurs communes respectives, en restituant ainsi un cadre complet et actualisé de tout le Parc et des territoires limitrophes.
L’étude a pour objet les « biens mineurs », auxquels le Manuel attribue cette qualification en raison, d’une part, de leur consistance minime et, de l’autre, de l’intérêt moindre dont ils bénéficient de la part de la réglementation de sauvegarde. Il s’agit d’éléments artificiels et naturels de petites dimensions, historiquement liés à l’établissement humain, tels que murs en pierres sèches, sentiers, clôtures, champs cultivés et haies qui participent de l’harmonie du paysage.
L’objectif du projet est de structurer une méthode de lecture et de restitution participative des « biens mineurs » ; ainsi se configure-t-il comme un recensement critique systémique de la présence de « biens mineurs » dans les trois vallées du versant valdôtain du Parc. L’étude se déroule en quatre phases et fournit quelques brèves indications pour d’éventuels développements futurs du projet.
Une première phase a été consacrée à la documentation bibliographique et cartographique. Les textes consultés, élaborés et synthétisés sous forme de fiches, font partie intégrante de la documentation finale du projet. La cartographie (plans territoriaux, cartes cadastrales, ortho-photos, recensements existants – le recensement présent au Bureau de l’Architecture rurale régionale est particulièrement remarquable de par son importance et sa qualité), mise à une échelle appropriée et, au besoin, redessinée, constitue la base cartographique pour le mappage des biens identifiés et pour la définition des fiches descriptives.
Une seconde phase a été l’élaboration de questionnaires et d’interviews visant à une lecture participative du territoire, les destinataires étant aussi bien des personnes professionnellement impliquées dans le domaine des biens du territoire (maires, architectes, techniciens, auteurs, experts, agriculteurs) que les habitants. Lorsque l’on est en présence de « biens mineurs », pour lesquels les analyses sont liées à des traces matérielles et à des facteurs culturels non identifiables ni mappables, l’aide de la collectivité est en effet fondamentale. L’idée est que le produit de cette évaluation croisée peut constituer une banque de données consultable en ligne à disposition des collectivités, des propriétaires et des utilisateurs du Parc. La mise en forme doit être accessible, surtout pour les populations locales, car ce sont souvent les propriétaires de ces biens qui sont les premiers engagés dans leur réhabilitation.
Une troisième phase a comporté l’exécution de relevés photographiques et cartographiques des éléments caractéristiques du paysage rural faisant l’objet de l’étude. Le relevé effectué pour chaque village et pour son contexte agricole reporte sur la carte l’emplacement exact du bien identifié et l’associe à la photographie effectuée à ce moment-là, en indiquant l’orientation de la prise de vue. Cette phase contribue à regrouper par catégories les biens relevés : biens mineurs caractérisant le réseau routier, biens mineurs caractérisant les zones agro-pastorales et biens mineurs caractérisant l’agglomération.
Dans la dernière phase, les biens du paysage, ainsi identifiés sur la base des catégories préétablies et de leurs sous-catégories, ont été restitués sur une carte interactive qui permet d’unir les fichiers photographiques à la fiche de mappage des biens. En outre, un recensement de la présence quantitative de biens mineurs du paysage pour chaque village relevé fournit des données statistiques et des représentations graphiques qui permettent d’effectuer des comparaisons au niveau des villages et des vallées auxquelles ils appartiennent.
Concernant les éventuels développements ultérieurs du projet, ils pourront porter sur des propositions d’initiatives pour l’activation du tourisme culturel et durable, grâce à la réalisation d’un réseau qui, mettant en relation les « biens mineurs » identifiés, les rende accessibles et culturellement utilisables, dans une vision unitaire du paysage traditionnel du lieu en question.